Algérie : musique et tradition
La musique algérienne est faite d'une extraordinaire diversité de styles et de répertoires.
L'Asri ou la musique moderne, le Charqi ou la chanson de variétés d'inspiration orientale, le Chaâbi ou la musique citadine, l'Andalou et ses noubats, le chant Bedouin, l'Achwwiq Kabyl, l'Ahellil de Timimoun, le Tindé de l'Ahaggar, sans parler du Rai oranais qui a déferlé sur l'Algérie, et sur le monde dans les années 90, constituent quelques uns des genres de musique pratiqués collectivement ou en soliste.
Le Rai est un des principal genre musical d'Algérie, cette musique est surtout écouté par une bonne partie de la jeunesse oranaise et algérienne. Le Rai signifie l'opinion, le destin, l'expérience, la vision des choses. Dès ses débuts les chanteurs de Rai exprimaient leur avis sur les problèmes des algériens. Dans les années 30 des chanteurs oranais comme Ben Yamina ou Doubahi utilisent le Rai pour exprimer leurs points de vue sur la politique (contre l'occupation française), mais aussi contre tous les interdits de la société algérienne (sexe, alcool,...). Aujourd'hui on distingue deux types de Rai, le Rai traditionnel des débuts et le Rai moderne "occidentalisé".
Le Rai traditionnel est celui des origines et perdurera jusque dans les années 70, à l'époque on utilise les instruments traditionnels de la musique arabe, ainsi que les percussions traditionnelles comme la darbouka ou le bendir. La forme du Rai est beaucoup plus libre que celle des musiques classiques alors appréciées par les gens bien pensant, l'utilisation de l'arabe dialectal est aussi une grande nouveauté qui va donner une grande proximité avec le peuple.
Les chanteurs de Rai sont rapidement obligés d'inventer un langage codé leur permettant d'aborder des sujets difficiles, comme la résistance à la présence Française en Algérie, mais aussi les plaisirs de la chair. Les lieux où l'on peut écouter du Rai à cette époque sont souvent des bars, et cela contribue à faire des interprètes de cette musique de véritables paria en dehors de la bonne société. Leur statut est pourtant complexe, on leur attribue le titre de cheikh ou cheikha (maître, maîtresse, au sens de celui qui maîtrise son art), tout en les considérant comme des gens peu fréquentable.
Dans les années 30, on chante le wahrani, adaptation du melhoun accompagnée à l'oud, à l'accordéon, au banjo ou au piano. Cette musique se mélange aux autres influences musicales arabes, mais aussi espagnoles, françaises et latino-américaines.
Les années 50 marquent l'arrivée des femmes dans la musique Rai avec en particulier Cheikha Remitti, dont le franc-parler irrite plus d'un traditionaliste. La guerre d'indépendance Algérienne marque une période de creux pour l'activité culturelle, certains artistes ayant rejoint le maquis. Cette musique qui, à l'origine, ne rassemble que quelques chanteurs, finit par s'étendre, après l'indépendance, à l'ensemble de l'Algérie.
Les instruments traditionnels du Rai (flûtes, derbouka et bendir) s'accomodent de nouveaux instruments (violon, accordéon, luth, guitare acoustique) avec notamment la guitare électrique et sa pédale wah-wah comme chez Mohammed Zargui ou de la trompette et du saxophone comme Bellemou Messaoud. Cette évolution se poursuivra jusqu'à l'arrivée des Cheb (jeunes) qui vont donner une nouvelle dimension au Rai en utilisant les instruments électroniques et créer ce que l'on appelle le Rai moderne.
A la fin des années 70 et au début des années 80, une nouvelle génération débarque avec les instruments de leur époque (synthétiseurs, batterie, guitare électrique) et viennent révolutionner le Rai en s'imprègnant des styles rock, pop, funk, reggae et disco. Les producteurs de disques pour les différencier des cheikh et cheikha, leur accole le surnom de cheb ou cheba (jeune en arabe).
La première vague voit défiler Cheb Khaled, Cheb Sahraoui et Cheba Fadéla, Cheb Hamid, puis un peu après leurs cadets Cheb Mami et Cheb Hasni. Les conditions de production sont terribles, les moyens sont très limités et le rythme de production infernal, la plupart des cheb enregistrent à une cadence folle cassette sur cassette, qui assurent une diffusion large de ce nouveau Rai.
Il faut attendre 1985 pour que l'état Algérien reconnaisse officiellement le Rai à l'occasion du premier festival de Rai à Oran. Auparavant cette musique n'avait jamais eu droit de cité à la radio ou à la télévision d'état. La fin des années 80 marque le début de l'internationalisation du Rai, Cheb Mami le premier s'installe à Paris, puis enregistre son album "Let Me Rai" à Los Angeles en 1989. C'est Khaled avec "Didi" qui fait le premier tube Rai en France, c'est avec cette chanson que le public Français découvre le Rai. Khaled récidivera quelques années plus tard avec "Aïcha" écrite par Jean-Jacques Goldman.
Le succès du Rai en France, ouvre la voie à une nouvelle génération d'artistes issus de l'immigration. Pour la première fois, le Rai est coupé de son espace originel (Oran et sa région), et on voit apparaître des chanteurs et des groupes qui n'hésitent pas à métisser le Rai avec d'autres influences (funk, reggae,...). Le Rai aujourd'hui continue à expérimenter des nouvelles associations avec d'autres styles, d'autres musiques, particulièrement en direction du Hip Hop et des mouvements Rap, retrouvant ainsi son esprit originel de contestation sociale.