L'évenement du mois

Jean Pierre Mocky 

Extrait d'une passionnnant entretien donné à DVDCLASSIK (Mars 2007)

"Oui, je fais des films subversifs. Je n'essaie pas de réunir un consensus de gens pour ne choquer personne. Le problème du cinéma, c'est de faire tout pour ne pas choquer les noirs, les Arabes, les Juifs, les catholiques, les protestants. Quand vous faites un film, quel qu'il soit, vous avez deux solutions. Soit vous foncez, et vous vous en foutez pas mal de ménager tel ou tel groupe ; soit vous prenez plusieurs scénaristes qui servent de contrôle. L'un va dire « Attention, là ça ne va pas plaire aux catholiques », un autre dira « ça ne va pas plaire aux Juifs », et un dernier aux femmes trompées ou aux cocus. Moi, dans L'Etalon, je me fous complètement des cocus. Il y a une différence d'approche des sujets. Une fois que les sujets sont écrits et entérinés par les producteurs qui cherchent la galette, c'est fini. Moi je ne fonctionne pas comme ça et, automatiquement, j'ai des gens qui freinent à l'arrivée. Si vous faites un film avec un homme chauve et impuissant, et que le directeur de la distribution est lui-même chauve et impuissant, il va dire : « Je n'en veux pas ! Qu'il aille se faire foutre, Mocky ! Je prend un autre film. » Le problème, c'est l'identification des décideurs avec le sujet. Les décideurs qui décident quel film va passer à la télé, quel film va passer au Marignan sur les Champs-Elysées. Là, vous êtes arrêtés comme par un mur. Le type regarde comme un douanier. Si quelque chose le trouble dans le film, il le sabre, lui file trois salles et le sort au mois de juillet. C'est ça qui tue le cinéma. Les films qui ont de la personnalité ne peuvent pas éclore. Et les réalisateurs, qui sont des gens peut-être plus talentueux que moi, comme Chabrol et Tavernier le sont peut-être plus que moi, malheureusement ils démissionnent. Ils démissionnent au départ car ils savent qu'ils ne passeront pas le Rubicon."