Lignes de fuite, lignes de feu - Sélection Analytique Audio - Août 2025

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Une sélection puissante et libre faites d'albums qui bousculent les genres, racontent nos tensions, nos dérives ou nos élans. Cinq lignes de feu pour entendre et écouter ce qui nous traverse.

Août 2025 - Lignes de fuite, lignes de feu

Des disques qui sortent du cadre, qui prennent des chemins de traverse. Ce mois-ci, nous avons choisi d’écouter des artistes qui inventent leur propre voie.

Certains brouillent les genres, d’autres manipulent les formats, jouent avec les sons, déplacent les émotions. Ils construisent des ponts entre les époques, les esthétiques, les héritages. Ils refusent les cases, déplacent les lignes, ouvrent des brèches.

Tous ont en commun une forme de liberté, parfois rageuse, parfois fragile, toujours assumée. Une envie de secouer les repères que la musique reproduit parfois à l’infini.

D’un album à l’autre, cette sélection trace une carte sensible. On y entend des énergies contraires, des paroles vibrantes, des paysages mouvants. Elle explore ce qui déborde, ce qui résiste, ce qui brûle. Elle rassemble des musiques en mouvement, prises dans l’élan de notre temps, tantôt électriques, tantôt nues, mais toujours intenses.

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Souvenirs amplifiés, mémoire vivante

La mémoire musicale ne se limite pas à la nostalgie. Elle peut aussi être puissance, réinvention, geste esthétique.
Certains albums de cette sélection réactivent des échos passés avec une modernité saisissante, comme autant de passerelles entre l’histoire et le présent.

Dans 1492: Conquest of Paradise, Vangelis construit une fresque sonore monumentale, entre sacré et conquête. La bande originale d’Alien: Romulus, signée Benjamin Wallfisch, revisite l’héritage SF avec une tension profondément actuelle.
Mansur Brown, dans Rihla, insuffle au jazz méditatif une forme de narration cinématographique, tandis que Bryan Adams, avec Roll With The Punches, convoque un rock-blues charpenté, presque brut.

Ces œuvres n’hésitent pas à dialoguer avec leurs racines pour mieux en distordre les contours. Elles rendent la mémoire vibrante, active, transformée.

 

alt À glisser dans les oreilles de ceux qui aiment quand le passé a de l’écho mais jamais de poussière.

Affiche du document Alien: Romulus

Alien: Romulus

Benjamin Wallfisch (site)

  • Bof (bande originale de film)
Affiche du document Coles corner

Coles corner

Richard Hawley (site)

  • Rock and roll & rockabilly
Disponible en 2 éditions 20ème anniversaire : 2CD deluxe et vinyle Half Speed Master. Troisième album studio de Richard Hawley, "Coles corner" est considéré comme un de ses meilleurs, reflétant son amour pour sa ville natale Sheffield et pour le rock'n roll vintage des années 50. Inclus les titres "Born under a bad sign", "Darlin' wait for me", "Hotel room", "I sleep alone" et l'épique "The ocean". L'édition 2CD comprend un CD bonus avec des faces B, versions single et versions acoustiques ("Coles corner", "Hotel room", "Darlin wait for me").
Affiche du document Rihla

Rihla

Mansur Brown (site)

  • Jazz
Mansur Brown dévoile l'album le plus sincère et authentique de sa carrière. Rihla est un mot arabe qui signifie "voyage", mais peut également désigner les récits liés à ce voyage. En embarquant dans cette odyssée sonore, on découvre un artiste en pleine maîtrise de son art - allant à contre-courant des tendances et composant librement une musique affranchie des genres. Ce nouveau chapitre marque l'introduction de la voix de Mansur pour la première fois, sur fond de sonorités rock plus marquées, tout en conservant l'essence mélodique qui fait sa signature.
Affiche du document Roll with the punches

Roll with the punches

Bryan Adams (site)

  • Variétés internationales
" Roll With The Punches " est le très attendu 17e album studio du célèbre auteur-compositeur-interprète et icône mondiale du rock, Bryan Adams. Il s'agit du premier album entièrement composé de nouveaux titres publié sur son propre label indépendant, Bad Records. Coécrit et produit par Bryan Adams, l'album comprend 10 morceaux inédits, dont Roll With The Punches, Make Up Your Mind et Never Ever Let You Go. Parmi les co-auteurs figurent Mutt Lange, Eliot Kennedy et son collaborateur de longue date Jim Vallance. Roll With The Punches est disponible en précommande et sortira le 29 août 2025. Son précédent album studio, So Happy It Hurts, s'est vendu à plus de 100 000 exemplaires dans le monde et s'est classé dans tous les grands marchés dès sa sortie, atteignant le Top 10 dans plus de 10 pays, avec une 3e place au Royaume-Uni et une 2e en Allemagne.
Affiche du document Sabresonic

Sabresonic

The Sabres of Paradise

  • New wave punk et techno international
1er album en 1993 du trio Andrew Weatherall, Jagz Kooner et Gary Burns. Indisponible en vinyle et en CD depuis sa sortie originale. Remasterisé à partir des bandes originales par Matt Colton, contient " Smokebelch II (Beatless Mix) " pour la première fois sur l'édition 2xLP. Après avoir travaillé sur l'album Screamadelica de Primal Scream, qui a marqué son époque, sans oublier ses remixes révolutionnaires pour des groupes tels que New Order, My Bloody Valentine et les Happy Mondays, Weatherall était autant vénéré par les fans de musique indie que cité par les ravers hardcore. La demande croissante de ses services l'a conduit à s'associer à Kooner et Burns pour former le trio The Sabres Of Paradise. Le 1er morceau de Sabresonic était à l'origine un remix du titre " Don't Fight It Feel It " de Primal Scream, mais il a subi une mutation si radicale qu'il s'est transformé en quelque chose de tout à fait nouveau. Tout en reflétant les tendances contemporaines de la dance music (" Inter-Legen-Ten-ko " est un clin d'oeil au nom du genre IDM), l'album fait également appel à des influences plus anciennes - " R.S.D " est un acronyme pour " Red Stripe Dub ", l'influence profonde de King Tubby et consorts étant évidente à divers endroits de l'album, tandis que les panoramas épiques et glacés des plus de 14 minutes de " Clock Factory " s'inspirent des expérimentations électroniques de groupes industriels tels que Coil.

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Fractures intérieures, tensions d’aujourd’hui

Derrière les pulsations modernes se cachent des blessures, des luttes, des contradictions.
Ces albums parlent de la ville, du corps, du désordre émotionnel. Ils traduisent l’agitation contemporaine dans des formes crues, sans filtre.

Le metal théâtral de Blackbriar (A Thousand Little Deaths) est traversé par la douleur, l'excès et une beauté violente.
Zulu, avec A New Tomorrow, injecte dans le hardcore une charge politique puissante, où chaque cri est un acte.
Sopico, dans Volez-moi, choisit la voie du désenchantement tendre, du rap minimaliste aux confins de la confession.
Et Akhenaton, avec Rimes essentielles, revient à l’essence du mot, avec une urgence calme mais tranchante.

Ces disques exposent les lignes de faille de notre époque, sans chercher à les dissimuler.

 

alt À faire écouter à celles et ceux qui pensent que la beauté peut surgir du chaos.

Affiche du document Sunset boulevard

Sunset boulevard

Elvis Presley (site)

  • Variétés internationales
Sunset Boulevard est une collection complète de 5 CD mettant en vedette les sessions d'enregistrement, répétitions au studio historique Sunset Boulevard de RCA. Couvrant les années 1970 à 1975, il met en vedette Elvis qui enregistre pour la première fois avec son groupe de tournée légendaire, enfin engendrer les succès " Burning Love ", " Always On My Mind " (1972) et " T-R-O-U-B-L-E " (1975) de l'album TODAY. Cette édition spéciale comprend également 3 disques de répétitions de 1970 et 1974 qui capture des moments à la fois sérieux et joyeux d'Elvis en studio. Sunset Boulevard comporte 89 titres, dont 34 sont des nouveaux mix, pures et sans overdubs. La collection de 2 LP présente les points forts de Sunset Boulevard.

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Traversées, dérives, géographies floues

La musique est aussi une affaire de mouvement. Certains albums refusent les points fixes et dessinent des paysages mouvants, où l'on devine des routes, des horizons, des seuils.

Dans An Echo Of Love, Kerala Dust propose une techno brumeuse, presque désertique, comme un voyage sensoriel.
Macadam Crocodile, avec Caméléon, oscille entre pulsation club et tension introspective.
Grandbrothers, dans Late Reflections, enregistre son piano au cœur d’une cathédrale, rendant chaque résonance unique, spatiale.
Et Wevie Stonder, avec Sure Beats Living, construit une errance sonore libre, absurde, inclassable.

Ces œuvres n’offrent pas d’ancrage, mais des traversées, où la destination importe moins que la dérive.

 

alt À recommander aux voyageurs immobiles, aux rêveurs d’interzones et aux insomniaques lucides.

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Voix nues, blessures ouvertes

Parfois, c’est dans le dépouillement que l’émotion frappe le plus fort. Ces albums ne crient pas, mais parlent bas. Ils s’adressent à l’intime, à l’arrière-plan.

Marie-Flore, avec Je sais pas si ça va, livre un récit de désillusion amoureuse d’une précision glaçante.
Frederika Stahl tisse dans Tomorrow un univers évanescent, entre espoir fragile et lucidité mélodique.
Chez Stella Donnelly (Flood), le folk devient arme douce, et Charlotte Cardin, dans 99 Nights, déploie une pop mélancolique, élégante, viscérale.
Valentina Magaletti, quant à elle, fait parler les peaux et les silences dans A Queer Anthology of Drums, un album de percussions profondément habité.

Des disques de seuil, de rétraction, où le feu couve plus qu’il n’explose.

 

alt À partager avec celles et ceux qui savent que parfois, une voix seule suffit à tout dire.

Affiche du document Blue reminder

Blue reminder

Hand Habits (site)

  • Variétés internationales
Hand Habits, c'est le projet solo de Meg Duffy (PERFUME GENIUS), artiste éblouissant par son jeu de guitare virtuose et sa présence captivante. 5e album, "Blue Reminder" est un havre de douceur noire, d'émotions variées où la créatrice de cet univers livre à travers sa voix sensuelle et suave un condensé de ses émotions les plus profondes. Pop, électro, rock indé, ambiant...Tout se mêle à merveille dans cet opus.
Affiche du document Clearing (The)

Clearing (The)

Wolf Alice (site)

  • Variétés internationales
" The Clearing ", le tout nouvel album de Wolf Alice. Ecrit à Seven Sisters et enregistré à Los Angeles avec le producteur Greg Kurtsin - lauréat d'un Grammy, " The Clearing " sublime la musique du groupe anglais, avec des titres affirmés et remplis d'émotion.
Affiche du document Songs in the key of Yikes

Songs in the key of Yikes

Superchunk (site)

  • Variétés internationales
Avec Cutthroat, Shame signe un album intense et sans concession, produit par le Grammy John Congleton. Le quintette britannique, encore dans la vingtaine, s'affirme avec un son amplifié et audacieux, fidèle à son énergie brute et directe. Formé d'amis d'enfance, Shame a gagné en maturité technique et créative au fil de trois albums acclamés et de concerts légendaires. Sur ce nouvel opus, le groupe cherche un nouveau point de départ, plus incisif que jamais. " Ce disque parle de qui nous sommes ", affirme le chanteur Charlie Steen. " Ce n'est pas du 'pauvre de moi', c'est du 'va te faire foutre'. " L'album aborde des thèmes forts : conflits, corruption, désir, jalousie, et lâcheté, le tout saupoudré de l'humour noir propre au groupe. Musicalement, Shame ose intégrer des boucles électroniques, idées initialement séparées, qu'ils ont finalement fusionnées au sein de leur univers. Cutthroat est un regard cru sur la vie contemporaine, posant des questions dérangeantes sans jamais prétendre avoir les réponses. Une oeuvre viscérale qui prouve que Shame n'a jamais sonné aussi bien.

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Identités mouvantes, formes hybrides

Impossible aujourd’hui de penser la musique en termes de genre pur. Ces artistes déjouent les typologies, mixent les codes, brouillent les lignes.

Yamê, dans ELOWI, fusionne rap, gospel et pop avec une virtuosité désarmante.
Lewis OfMan, avec Cristal Medium Blue, manipule les textures électroniques pour en faire des tableaux affectifs.
Laufey s’inspire du jazz vintage pour parler au présent, tandis que Aurum Miles invente un gospel synthétique, à la fois chaleureux et spectral.
Luca Bassanese et Géraldine Laurent incarnent chacun à leur manière une idée de la fusion vivante : un brassage qui ne dilue pas, mais densifie.

Ces œuvres ne cohabitent pas avec la pluralité, elles en sont l’expression même.

 

alt À conseiller à ceux qui pensent que la musique ne se range pas, elle se cherche et se transforme.

Affiche du document Ride into the sun

Ride into the sun

Brad Mehldau (site), Chris Thile (site), Daniel Rossen, John Davis, Felix Moseholm, Matt Chamberlain

  • Jazz
Le pianiste et compositeur de jazz Brad Mehldau consacre son nouvel album "Ride into the Sun" à l'oeuvre d'Elliott Smith. L'album comprend dix reprises du célèbre auteur-compositeur-interprète et guitariste américain, quatre compositions originales inspirées par son univers, et des reprises de Big Star (Thirteen) et Nick Drake (Sunday). L'album réunit Daniel Rossen, Chris Thile, le batteur Matt Chamberlain, les bassistes Felix Moseholm et John Davis, ainsi qu'un orchestre de chambre dirigé par Dan Coleman. Brad Mehldau se produira à la Philarmonie de Paris avec le bassiste Christian McBride en mars 2026.
Affiche du document Starrr of the queen of life (The)

Starrr of the queen of life (The)

Debby Friday

  • Variétés internationales
Sur The Starrr Of The Queen Of Life, son second album aussi kaléidoscopique qu'ambitieux, Debby Friday redéfinit la réussite selon ses propres codes. " Je veux être une starrr, je ne peux pas cacher ce désir ", confie-t-elle. " Mais je ne veux pas vivre le rêve de quelqu'un d'autre, ni suivre une trajectoire toute tracée. " Pour l'artiste nigéro-canadienne, être une starrr, c'est évoluer entre les extrêmes : l'intime et le public, l'orgueil et l'humilité, l'ascension fulgurante et la chute libre. Sur 11 titres, Debby Friday explore cette tension permanente avec une voix toujours plus caméléon : entre la beauté éthérée et dépouillée de Leave., et l'énergie post-punk frénétique de Darker The Better., elle oscille avec grâce. Dans All I Wanna Do Is Party, elle célèbre une hédonisme apocalyptique typique des nuits sans fin - communion entre inconnues dans la pénombre, lignes de filles devant les toilettes, house vrombissante et lâcher-prise total. Plus loin, sur In The Club, en duo avec les prodiges de Detroit HiTech, elle balance punchlines et clins d'œil au monde de la nuit - tout en avouant ne plus vraiment y mettre les pieds. Depuis sa victoire au Polaris Prize 2023 avec son premier album GOOD LUCK, Friday n'a cessé de pousser plus loin sa vision artistique, quitte à s'y brûler. Les tournées à répétition l'ont menée à un épuisement physique violent, jusqu'à un diagnostic de zona lié au stress. Ce coup d'arrêt forcé l'a obligée à revoir ses priorités et à se recentrer. Accompagnée du producteur australien Darcy Baylis, elle a peaufiné ce nouveau chapitre entre deux voyages, enfermée en studio de l'aube à minuit. The Starrr Of The Queen Of Life est un manifeste d'honnêteté radicale sur fond de dance music expérimentale. Saturé de références codées - aux parfums de it-girls, aux prophétesses antiques ou aux bouteilles de cognac - l'album trace la voie d'une pop futuriste à la fois sensuelle, cérébrale et entièrement façonnée à son image.

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En conclusion...

Cette sélection n’a pas de centre. Elle trace des lignes, ouvre des directions, suit des élans. Elle circule entre des disques intimes et des manifestes brûlants, des récits de dérive et des appels d’air.

Ce qui relie ces œuvres, ce n’est pas un style, un genre ou une tendance. C’est une manière d’habiter le présent. D’en explorer les fêlures, les croisements, les fantômes. D’en faire un matériau sonore mouvant.

Les musiques que nous avons réunies ici résistent à l’uniformité, esquivent les évidences, multiplient les gestes singuliers. Elles ne sont pas là pour rassurer, mais pour faire vibrer, déplacer, questionner.

Une carte sensible de ce que peut encore la musique aujourd’hui.

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